Quand la Russie (et le Monde) commencera à décliner?
Cet article a été publié le 6 novembre 2007 par Stuart Staniford sur le site oildrum.com. Il a été traduit en français par Vincent Schwander. Merci beaucoup pour son travail.
Je rappelle que Terre de Brut est ouvert à des propositions d'articles originaux ou traduits. Ce site se veut être un espace de réflexion et d'analyse du pic pétrolier mais aussi souhaiterait aborder d'autres ressources énergétiques, minérales et alimentaires ainsi que sur le changement climatique. Je concentre mes efforts sur le pic pétrolier car celui ci est déjà bien assez pour moi tout seul mais ce n'est l'envie qui manque de traiter la glace arctique, la chute des stocks de céréales, le gaz naturel canadien, le pic de phosphates, le cuivre. Par contre, l'uranium sera traité cet hiver de manière assez intensive car celui-ci est d'une importance cruciale en France.
Petite remarque préliminaire : cet article est particulièrement important car la Russie pourrait s'avérer le joker qui décide du timing du pic pétrolier tout autant que l'Arabie Saoudite. Aussi, Stuart nous permet d'y voir un peu plus clair pour un avenir très proche. Bonne lecture.
Cet article s'intéresse à la production russe sur le court terme. Pour approfondir le sujet, vous pouvez consulter un article très complet de Dave Cohen publié l'année dernière sur oildrum.com, ainsi qu'un commentaire plus récent de Gail Tverberg sur oildrum europe qui résume des déclarations récentes qui préviennent de l'imminence du déclin de la production russe. Pour ceux qui veulent vraiment creuser et qui lisent l'anglais couramment, ils peuvent acheter le livre de John Grace "Russian oil Supply".
Cet article concerne des pronostics à court terme pour la Russie.
Je voudrais juste actualiser et compléter une analyse assez simple de la situation. Mais d’abord établissons le contexte.
Les dernières statistiques montre le plateau de production tout liquide qui continue en affichant une légère pente négative à la fois d’après l’IEA et l’EIA.
Moyenne journalière de la production tout liquide, par mois, de l'AIE (en vert) et de l'USEIA (prune), accompagnée des courbes de tendances sur 13 mois centrés, dont l'échelle est à gauche. Prix spot WTI en bleu avec échelle à droite. Cliquer pour élargir.
Source: IEA Oil Market Reports, and EIA International Petroleum Monthly Table 1.4.
Les données de l'AIE sont tirées de la table 3 des tableaux à la fin de l'OMR de la dernière livraison duquel le chiffre de ce mois est donné. Les prix WTI sont tirés de l'EIA.
Cependant, ce déclin n’est pas statistiquement signifiant, et nous n’en discuterons pas plus. Mais, la question clé est :
Est-ce que le plateau va continuer ?
Est-ce qu’il va se terminer sur une nouvelle hausse de la production ?
Est-ce qu’il va entamer son déclin ?
C’est évidemment une question fondamentale.
Rembrandt prétend que le pic se produirait d'ici quelques années.
Je suis plutôt d’avis que nous sommes en plein pic pétrolier à l’heure actuelle.
Le fait même que nous soyons en plateau depuis deux ans ou à peu près indique que toutes les nouvelles capacités de productions ont été contrebalancées par l’entropie et le chaos, à savoir : la baisse de la production dans les champs existant, les problèmes géopolitiques, les dégradations liées aux ouragans et accidents naturels, et une production volontairement minimisée de l’OPEP .(Je suis très sceptique sur ce dernier point comme Jim Hamilton).
Les prochaines hausses de productions seront également contrariées par les forces du chaos, et notre capacité à énumérer ces dernières avec précision est extrêmement faible.
Je trouve plus instructif de regarder les tendances par pays. Si nous regardons, avant le plateau actuel, les années 2001- 2004 quand la production augmentait vigoureusement à la suite du krach sur les valeurs internet, nous pouvons identifier les pays majeurs à la hausse comme à la baisse.
Moyenne annuelle des variations journalières de production pétrolière des 5 pays qui ont la plus forte croissance et des 5 pays qui ont le plus fort déclin pour la période 2001-2004. Source: BP (incluant les NGLs).
Comme on peut le voir, les deux pays qui contribuent le plus à l’augmentation de la production sont, et de loin, l’Arabie Saoudite, et plus encore, la Russie. Tous les autres suivent loin derrière. C’était la période au cours de laquelle une augmentation de la demande correspondait à une augmentation de la production.
Si maintenant nous regardons la période 2004-2006 (le plateau de production, donc), nous voyons ceci :
Moyenne annuelle des variations journalières de production pétrolière des 5 pays qui ont la plus forte croissance et des 5 pays qui ont le plus fort déclin pour la période 2004-2006. Source: BP (incluant les NGLs).
Nous voyons ici que l’ Arabie Saoudite a cessé de progresser (et entama un déclin ; conseil TDB: lisez l'article sur l'Arabie Saoudite avec le lien juste avant) . La Russie a continué de progresser, mais bien moins qu’auparavant. Aucun autre pays n’a réussi à combler l’écart, et donc la production a cessé d’augmenter.
Regardons maintenant les statistiques russes au plus près. Le schéma suivant montre la production mensuelle à partir de trois différentes sources, en même temps que le nombre de plate-formes opérant dans le pays. Ceci couvre la période 1997 à 2007, donc depuis l’époque où la Russie a remis ses infrastructures en état suite au gouffre de l’époque soviétique. En particulier, en appliquant le savoir faire occidental pour booster sa production déclinante (surtout dans les champs âgés de Sibérie occidentale, qui ont produit plus de la moitié du pétrole de l’époque soviétique).
Production mensuelle pétrolière russe selon trois sources de données :EIA Table 1.1c, IEA Table 3, et JODI. Les courbes pleines sont des moyennes sur 13 mois centrés autour du point concerné (notez que les 13 derniers mois se trouvent sur une fenêtre incomplète). Les données de plates-formes proviennent des données de Schlumberger et incluent les plates-formes pétrolières et gazières.
Comme on peut le voir, les sources de données convergent vers une augmentation de la production sur cette période, bien que différant légèrement sur le niveau de cette croissance.
Bien plus, le nombre de plate-forme a augmenté dramatiquement.
Remarque : nous ne disposons pour le compte de plateformes que des données Schlumberger qui ne différencie pas les plateformes pétrolières des plates formes gazières. De plus, on ne voit pas comment les données des années 90 ont été collectées durant les chaotiques années 90. Pour la clarté de cette étude, on supposera que ces données sont convenables et que le nombre de plateformes pétrolières est proportionnel au nombre de plateformes gazières.
Cependant il faut garder à l’esprit cette remarque quand on abordera les conclusions de cet article.
Après avoir noté que la production s’accroit, la deuxième observation c’est que le taux de cet accroissement diminue fortement. En particulier, si on prend les augmentations annuelles de cet accroissement, on obtient la figure suivante :
Variations de la production russe d'un mois donné par rapport à 12 mois en arrière en glissement constant à partir des données moyenne centrés selon trois sources de données : EIA Table 1.1c, IEA Table 3, and JODI. La ligne noire est l'extrapolation de la tendance actuelle et est un scénario, pas une prévision.
Le taux d’accroissement a pointé à 10% en 2003, et a chuté sévèrement depuis pour atteindre 1,5% par an à ce jour. La ligne noire montre une extrapolation à zéro dès le début 2008. Cette croissance à zéro marquerait un pic de production. En outre, ceci impliquerait que l’excès de production entre maintenant et le pic est seulement de 1%, soit environ 100mb/j. Nous devons néanmoins faire attention au fait que la courbe a montré un épaulement dans sa croissance, et pourrait en marquer un autre dans sa chute. La ligne noire n’est donc qu’un scénario très plausible, et non pas une prédiction ferme.
Si nous prenons en compte le nombre de plateformes, les choses semblent plus sérieuses. Le graphe suivant montre quel a été l’accroissement de production par plate forme, exprimé en milliers de barils d’accroissement par jour, par an et par plate forme.
Taux de croissance de la production pétrolière russe par plate-forme. La production est calculée sur une moyenne de 13 mois centrés autour du point concerné, à partir des estimations de production de IEA Table 3 . Les données sur les plates-formes proviennent de Schlumberger et les plates-formes pétrolières et gazières.
Le niveau absolu de ce graphe ne doit pas être considéré trop sérieusement puisque nous divisons une production pétrolière par le nombre de plateformes gazières et pétrolières. Cependant la tendance générale est probablement pleine de sens, et ce qu’elle montre est un effondrement de 10000 barils par jour par an et par plateforme à seulement 200 aujourd’hui. Un plus grand nombre de plateformes produit un accroissement de production bien plus faible.
Et si la Russie devait commencer à décliner l’année prochaine, ce serait la sortie du plateau mondial de production vers un déclin incontestable.
Stuart Staniford sur oildrum.com
6 novembre 2007
Traduit par Vincent Schwander
Je rappelle que Terre de Brut est ouvert à des propositions d'articles originaux ou traduits. Ce site se veut être un espace de réflexion et d'analyse du pic pétrolier mais aussi souhaiterait aborder d'autres ressources énergétiques, minérales et alimentaires ainsi que sur le changement climatique. Je concentre mes efforts sur le pic pétrolier car celui ci est déjà bien assez pour moi tout seul mais ce n'est l'envie qui manque de traiter la glace arctique, la chute des stocks de céréales, le gaz naturel canadien, le pic de phosphates, le cuivre. Par contre, l'uranium sera traité cet hiver de manière assez intensive car celui-ci est d'une importance cruciale en France.
Petite remarque préliminaire : cet article est particulièrement important car la Russie pourrait s'avérer le joker qui décide du timing du pic pétrolier tout autant que l'Arabie Saoudite. Aussi, Stuart nous permet d'y voir un peu plus clair pour un avenir très proche. Bonne lecture.
Cet article s'intéresse à la production russe sur le court terme. Pour approfondir le sujet, vous pouvez consulter un article très complet de Dave Cohen publié l'année dernière sur oildrum.com, ainsi qu'un commentaire plus récent de Gail Tverberg sur oildrum europe qui résume des déclarations récentes qui préviennent de l'imminence du déclin de la production russe. Pour ceux qui veulent vraiment creuser et qui lisent l'anglais couramment, ils peuvent acheter le livre de John Grace "Russian oil Supply".
Cet article concerne des pronostics à court terme pour la Russie.
Je voudrais juste actualiser et compléter une analyse assez simple de la situation. Mais d’abord établissons le contexte.
Les dernières statistiques montre le plateau de production tout liquide qui continue en affichant une légère pente négative à la fois d’après l’IEA et l’EIA.

Source: IEA Oil Market Reports, and EIA International Petroleum Monthly Table 1.4.
Les données de l'AIE sont tirées de la table 3 des tableaux à la fin de l'OMR de la dernière livraison duquel le chiffre de ce mois est donné. Les prix WTI sont tirés de l'EIA.
Cependant, ce déclin n’est pas statistiquement signifiant, et nous n’en discuterons pas plus. Mais, la question clé est :
Est-ce que le plateau va continuer ?
Est-ce qu’il va se terminer sur une nouvelle hausse de la production ?
Est-ce qu’il va entamer son déclin ?
C’est évidemment une question fondamentale.
Rembrandt prétend que le pic se produirait d'ici quelques années.
Je suis plutôt d’avis que nous sommes en plein pic pétrolier à l’heure actuelle.
Le fait même que nous soyons en plateau depuis deux ans ou à peu près indique que toutes les nouvelles capacités de productions ont été contrebalancées par l’entropie et le chaos, à savoir : la baisse de la production dans les champs existant, les problèmes géopolitiques, les dégradations liées aux ouragans et accidents naturels, et une production volontairement minimisée de l’OPEP .(Je suis très sceptique sur ce dernier point comme Jim Hamilton).
Les prochaines hausses de productions seront également contrariées par les forces du chaos, et notre capacité à énumérer ces dernières avec précision est extrêmement faible.
Je trouve plus instructif de regarder les tendances par pays. Si nous regardons, avant le plateau actuel, les années 2001- 2004 quand la production augmentait vigoureusement à la suite du krach sur les valeurs internet, nous pouvons identifier les pays majeurs à la hausse comme à la baisse.

Comme on peut le voir, les deux pays qui contribuent le plus à l’augmentation de la production sont, et de loin, l’Arabie Saoudite, et plus encore, la Russie. Tous les autres suivent loin derrière. C’était la période au cours de laquelle une augmentation de la demande correspondait à une augmentation de la production.
Si maintenant nous regardons la période 2004-2006 (le plateau de production, donc), nous voyons ceci :

Nous voyons ici que l’ Arabie Saoudite a cessé de progresser (et entama un déclin ; conseil TDB: lisez l'article sur l'Arabie Saoudite avec le lien juste avant) . La Russie a continué de progresser, mais bien moins qu’auparavant. Aucun autre pays n’a réussi à combler l’écart, et donc la production a cessé d’augmenter.
Regardons maintenant les statistiques russes au plus près. Le schéma suivant montre la production mensuelle à partir de trois différentes sources, en même temps que le nombre de plate-formes opérant dans le pays. Ceci couvre la période 1997 à 2007, donc depuis l’époque où la Russie a remis ses infrastructures en état suite au gouffre de l’époque soviétique. En particulier, en appliquant le savoir faire occidental pour booster sa production déclinante (surtout dans les champs âgés de Sibérie occidentale, qui ont produit plus de la moitié du pétrole de l’époque soviétique).

Comme on peut le voir, les sources de données convergent vers une augmentation de la production sur cette période, bien que différant légèrement sur le niveau de cette croissance.
Bien plus, le nombre de plate-forme a augmenté dramatiquement.
Remarque : nous ne disposons pour le compte de plateformes que des données Schlumberger qui ne différencie pas les plateformes pétrolières des plates formes gazières. De plus, on ne voit pas comment les données des années 90 ont été collectées durant les chaotiques années 90. Pour la clarté de cette étude, on supposera que ces données sont convenables et que le nombre de plateformes pétrolières est proportionnel au nombre de plateformes gazières.
Cependant il faut garder à l’esprit cette remarque quand on abordera les conclusions de cet article.
Après avoir noté que la production s’accroit, la deuxième observation c’est que le taux de cet accroissement diminue fortement. En particulier, si on prend les augmentations annuelles de cet accroissement, on obtient la figure suivante :

Le taux d’accroissement a pointé à 10% en 2003, et a chuté sévèrement depuis pour atteindre 1,5% par an à ce jour. La ligne noire montre une extrapolation à zéro dès le début 2008. Cette croissance à zéro marquerait un pic de production. En outre, ceci impliquerait que l’excès de production entre maintenant et le pic est seulement de 1%, soit environ 100mb/j. Nous devons néanmoins faire attention au fait que la courbe a montré un épaulement dans sa croissance, et pourrait en marquer un autre dans sa chute. La ligne noire n’est donc qu’un scénario très plausible, et non pas une prédiction ferme.
Si nous prenons en compte le nombre de plateformes, les choses semblent plus sérieuses. Le graphe suivant montre quel a été l’accroissement de production par plate forme, exprimé en milliers de barils d’accroissement par jour, par an et par plate forme.

Le niveau absolu de ce graphe ne doit pas être considéré trop sérieusement puisque nous divisons une production pétrolière par le nombre de plateformes gazières et pétrolières. Cependant la tendance générale est probablement pleine de sens, et ce qu’elle montre est un effondrement de 10000 barils par jour par an et par plateforme à seulement 200 aujourd’hui. Un plus grand nombre de plateformes produit un accroissement de production bien plus faible.
Et si la Russie devait commencer à décliner l’année prochaine, ce serait la sortie du plateau mondial de production vers un déclin incontestable.
Stuart Staniford sur oildrum.com
6 novembre 2007
Traduit par Vincent Schwander